Fédérer les managers de proximité : pourquoi, comment ?

Fédérer les managers de proximité : pourquoi, comment ?
Publié le Mercredi 11 mai 2016

Patrick Pierron
Consultant Senior, Black Belt Lean Six Sigma

Dans un précédent article, j’avais évoqué l’importance d’avoir une stratégie (le "cap" à tenir) et de mettre en œuvre un système de management robuste, pragmatique, visuel, séquencé à intervalles courts. J’avais également mentionné la nécessité d’avoir des rôles partagés et un état d’esprit commun, pour "faire le point" et assurer que l’entreprise "tienne son cap" à court et moyen terme.

Le bon fonctionnement de ce système de management est étroitement lié à la contribution des managers de proximité. Cette fonction cruciale, parce qu’elle pilote la création de valeur ajoutée, est souvent placée "entre deux feux" : être le relais de la direction en termes d’objectifs ambitieux et de respect d’exigences parfois contraignantes, tout en étant proche des collaborateurs de terrain, dont elle est souvent issue. Une difficulté qui peut créer des tensions, des rivalités, de la démotivation… et, en fin de compte, un système de pilotage terrain qui ne remplit pas son rôle de garant de la pérennité et de moteur de l’amélioration continue. Il convient donc de s’assurer de fédérer ces managers de proximité, autour des enjeux, et entre eux. Essayons donc de résoudre cette question… avec méthode !  

LES CAUSES : pourquoi  le management de proximité n’est-il pas suffisamment fédéré ? Voici quelques raisons souvent constatées :

  • Les enjeux ne sont pas clairs. On ne sait pas pourquoi, in fine, tel chantier a été sélectionné, voire pourquoi le programme d’amélioration, dans son ensemble, a été lancé. Donc pourquoi se mobiliser autour de ces sujets lorsqu’il y a tellement d’autres priorités au quotidien ou de projets techniques, pour lesquels les managers semblent montrer davantage d’intérêt et de pression.
  • Le management intermédiaire ne témoigne pas d’un franc support pour les changements (responsable de production par exemple), par crainte, consciente ou non, de perdre de l’influence, de l’importance dans le nouveau système de pilotage.
  • Le manque de formation. L’encadrement de proximité n’a pas été formé aux principes de base, aux "lunettes" du Lean et manque de moyens simples pour promouvoir la démarche de façon homogène.
  • Les actions lentes. Les problèmes opérationnels que remontent les superviseurs ne débouchent pas sur des actions rapides qui prouvent l’intérêt du système de pilotage mis en œuvre … Ils se lassent et ne veulent pas être décrédibilisés aux yeux des opérateurs.
  • Le besoin d’accompagnement à la prise en main des outils. La démarche est déployée comme une succession d’outils à mettre en place (5S, management visuel, Top 5 …) et non comme un processus de changement culturel. Faute d’être coachés aux bonnes pratiques, beaucoup vivent cela comme une contrainte supplémentaire.
  • Le manque d’implication des chefs d’équipes. Les chantiers sont certes conduits en groupe avec des opérateurs, mais sans impliquer les Chefs d’Equipe, par crainte d’être en défaut de pilotage terrain pendant ce temps. Ils n’ont pas vécu le processus de changement et peuvent même le vivre inconsciemment comme une concurrence à leurs prérogatives habituelles.

LES SOLUTIONS : que peut-on faire ? Les causes étant posées, des réponses possibles apparaissent clairement :

  • S’assurer que la finalité des changements en cours ou des objectifs à atteindre est claire et partagée. Cela passe par un effort de communication qui peut prendre plusieurs formes :
    • journée de partage de la stratégie (objectifs, échelle de temps, ressources …) et de mise en valeur du rôle important de l’encadrement de proximité
    • "kit" de communication à base de posters, flyers, supports de poche… qui expliquent et promeuvent la démarche, les principes (gaspillages, amélioration) et les outils (5S …) Il s’agit de fournir un référentiel officiel, auquel tous peuvent se référer.
    • Infos des chantiers dans un journal interne
    • Participation de la Direction Générale dans des points d’information sur le terrain
  • Créer des échanges directs entre la Direction et l’encadrement de 1er Les chefs d’équipe sont une des fonctions majeures dans l’organisation Lean, il faut le leur montrer !
  • Partager les méthodes en déployant des formations internes de type "Yellow Belts" : 2 à 3 jours de pratique des outils simples de chasse aux gaspillages ou de résolution de problèmes.
  • Ne pas laisser sans réponse un problème remonté factuellement. A minima, expliquer officiellement pourquoi on ne le traite pas maintenant.
  • Prévoir un accompagnement individuel à la prise en main des nouvelles pratiques de Supervision Active. S’approprier de nouveaux comportements n’est naturel pour personne. Avoir un "coach" en interne (consultant, responsable amélioration continue …) permet de prendre conscience ce qu’il faut changer dans les habitudes et d’y travailler. Le coach participe aux points d’animation (Top 5, Tour de Terrain …) et débriefe avec l’animateur, qui ne se sent pas "lâché" et sait sur quoi s’améliorer. 5 à 6 rituels accompagnés peuvent suffire.
  • Faire participer systématiquement des représentants de l’encadrement de proximité lors des chantiers d’optimisation terrain (reconfiguration, 5S etc.) tout en faisant attention qu’ils ne se positionnent pas en leaders hiérarchiques du groupe. Par exemple, faire participer un chef d’équipe qui ne soit pas le responsable direct des opérateurs participants.

LA MISE EN ŒUVRE : méthode ? Et bien… à vous de jouer maintenant ! Sélectionnez les pistes qui semblent les mieux adaptées à votre situation, par exemple en utilisant une matrice de cotation des impacts ! L’encadrement de 1er niveau est une des fonctions majeures de l’entreprise… Considérez-le comme tel et impliquez-le à tous les niveaux de la démarche. Il est le 1er relais du terrain et, fonction relativement stable dans l’entreprise, le vrai garant de la pérennité des changements. Pour autant, n’oubliez pas qu’une démarche d’Excellence Opérationnelle se fait pas-à-pas… C’est en avançant, que vous agirez de façon appropriée, en fonction de la culture de l’entreprise. Bon vent !


Patrick Pierron
Consultant Senior, Black Belt Lean Six Sigma

Autres articles