Risque, incertitude, effet ?

Risque, incertitude, effet ?
Publié le Mercredi 11 mai 2022

Pierre Bonnardin
Consultant Senior, Master Black Belt

Nous sommes, comme on dit aujourd’hui, dans un monde « VUCA », soit en français : « volatile, incertain, complexe et ambigu ». Dans un tel monde, il n’est pas toujours très facile d’agir, de décider, de faire fonctionner une entreprise et de la rendre pérenne. Dans ce monde, il y a donc des risques. Qu’est-ce qu’un risque ?

Référons-nous à ce que dit notre bonne vieille norme de vocabulaire « ISO 9000 ». Les définitions qu’elle comporte sont formulées par des collèges d’experts internationaux, dans une économie de mots assez prodigieuse ! Elles sont parfois un peu difficiles à décrypter, mais après une exégèse approfondie, peuvent nous apporter des informations utiles.

« Risque : effet de l’incertitude »

Formidable définition !! Suit dans la norme une série de notes d’explication qui nous aident à mieux comprendre de quoi il s’agit. Ce genre de définition se comprend d’ailleurs mieux en « remontant » la phrase à l’envers … Commençons donc par le dernier mot : « Incertitude ». « L’incertitude est l’état, même partiel, de manque d’information qui entrave la compréhension ou la connaissance d’un évènement, de ses conséquences ou de sa vraisemblance ». L’incertitude c’est ne pas savoir si votre fournisseur vous livrera à temps, à quel moment une machine tombera en panne, ce qu’attendent vos clients, … L’incertitude c’est ce que nous ne savons pas et ne pouvons pas savoir. D’une certaine manière c’est le «  » de l’équation « Y=f(X)+ » de l’approche Lean Six Sigma ! C’est un « bruit », quelque chose que nous ne maîtrisons pas. Qui peut être petit, mais produire de grands effets !!

Cette incertitude produit donc des « effets ». Qu’est-ce qu’un « effet » ? « Un effet est un écart, positif ou négatif, par rapport à une attente », nous précise la norme ISO 9000. L’effet d’un risque est donc quelque chose que l’on n’attendait pas… Il peut avoir des conséquences positives ou négatives. En général on considère plutôt les conséquences négatives quand on parle de risque. Une machine qui tombe en panne nous empêche de livrer nos clients dans les délais. Un effet positif pourrait s’appeler opportunité : découvrir une nouvelle manière de procéder, une nouvelle technologie, un nouvel usage d’un outil, …

Enfin, une autre note stipule : « Un risque est souvent exprimé en termes de combinaison des conséquences d’un évènement (y compris des changements de circonstances) et de la vraisemblance de son occurrence ». C’est sur cette base que se font les démarches de réduction des risques : identifier des évènements qui peuvent perturber nos activités, évaluer leurs conséquences potentielles et leur probabilité d’occurrence.

Pour diminuer en partie les effets sur l’entreprise de ce monde « VUCA », une approche par les risques peut donc s’avérer utile. Des outils existent. Ils ne pourront pas empêcher le monde d’être volatile, incertain, complexe et ambigu ! Les clients continueront d’être exigeants et de vouloir toujours plus, les concurrents continueront d’être agressifs, l’animation des équipes ne va pas se simplifier, les prix des matières premières vont encore augmenter, les machines ne cesseront pas de tomber en panne, … Les démarches et outils d’analyse et de réduction des risques nous permettent juste d’identifier ce qui peut être maîtrisable. Ce qui est non maîtrisable, il est mieux de l’accepter et de vivre avec… Au lieu de se désoler, de stresser, quand on perd un client ou quand on reçoit une réclamation, prenons cela comme une opportunité de progrès ou activons-nous pour améliorer nos produits ou chercher de nouveaux clients !

Pour illustrer ces concepts liés aux risques, prenons l’exemple du vélo.

De nos jours la pratique du vélo se développe fortement, et c’est très bien pour notre bien-être et celui de notre belle planète ! Mais cette pratique comporte des risques, et notamment celui de la crevaison… Comment maîtriser ce risque ?

En pratique, nous allons essayer de « quantifier » 3 notions : la probabilité que cela arrive, les conséquences potentielles ou « gravité », et enfin la possibilité de détecter la crevaison avant qu’elle ne se produise. Grâce à la combinaison de ces 3 notions, nous pourrons décider d’agir pour réduire le risque, soit en diminuant sa probabilité d’advenir, soit en minorant sa gravité, soit en essayant de le détecter au plus tôt.

La probabilité que cela arrive ou « occurrence » dépend de la manière dont la crevaison va se produire (appelée aussi « mode de défaillance ») : épine, clou, morceau de verre, usure du pneu… Par exemple, essayons donc de faire attention où nous roulons, choisissons des types de pneus adaptés à notre pratique : vélo de route, tout terrain, zone urbaine…

La gravité de la crevaison dépendra de ses conséquences : chute éventuelle, arrêt en pleine campagne loin de tout, arrêt en ville pas loin de chez soi… Pour diminuer l’impact de la gravité, il est prudent de partir avec une chambre à air de secours, une petite trousse pour démonter le pneu, une pompe à vélo. Si on est cycliste professionnel sur le tour de France on a une voiture suiveuse et on change de vélo… À chacun selon ses moyens et selon les enjeux de réduire la gravité !

La détectabilité est plus difficile à envisager. Est-il facile de voir les épines, morceaux de verre ou autres clous sur la route pour les éviter ? C’est une question à se poser. Sinon, on peut aussi essayer de vérifier l’usure des pneus avant de partir, vérifier aussi qu’ils sont bien gonflés. C’est en principe « détectable » !

Dans les méthodes d’analyse de risques, la notion de détectabilité est en général la plus difficile à traduire en éléments concrets permettant son évaluation. Cette illustration de la démarche d’évaluation des risques vous permet donc de pratiquer le vélo en toute sérénité !

Au final, il vaut mieux se réjouir de vivre dans un monde VUCA. Comme le dit Paulo Coelho : « Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, je vous propose d’essayer la routine, elle est mortelle ». Prendre chaque risque comme une occasion d’inventer, de créer, de découvrir…

Pour en savoir plus sur ce sujet, je vous invite à visionner le replay de la web-conférence « Progresser par les risques » !


Pierre Bonnardin
Consultant Senior, Master Black Belt

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