Le rôle de la Direction Générale dans l’animation de la performance au quotidien et l’amélioration continue

Le rôle de la Direction Générale dans l’animation de la performance au quotidien et l’amélioration continue
Publié le Mardi 16 mai 2017

Patrick Pierron
Consultant Senior, Black Belt Lean Six Sigma

Mes clients, dirigeants d’entreprise ou directeurs opérationnels, qui se sont engagés avec volonté dans la transformation Lean de leur entreprise, se sont rapidement trouvés confrontés à la question suivante : « jusqu’à où dois-je m’impliquer sur le terrain ? Et comment m’y prendre ? »

Force de messages passés, ils ont, en général, bien compris qu’ils doivent montrer leur engagement : affirmer la démarche, communiquer, dire que c’est important. En cela, ils communiquent  sur la stratégie, élément de base de la pérennité de cette démarche. Lecteurs attentifs de mes précédents articles :), ils auront également retenu qu’il fallait mettre en œuvre un système de management opérationnel basé sur l’Animation à Intervalle Court (AIC) qui s’appuie sur l’implication des managers de proximité. Ils auront probablement réalisé également, que la communication ne suffisait pas et que le changement culturel ne serait accepté par ces mêmes responsables terrain qu’en leur témoignant leur soutien et en les rassurant.

« Créer des échanges directs entre la Direction et l’encadrement de 1er niveau. Les chefs d’équipe sont une des fonctions majeures dans l’organisation Lean : il faut le leur montrer ».

Oui mais… jusqu’où aller ? Voilà quelques questions ou réactions auxquelles j’ai pu être confronté :

  • Puisque les managers de proximité sont cette fonction cruciale qui pilote la création de valeur, ce sont bien eux qui doivent animer (…et qui doivent changer leurs habitudes). Je ne dois pas le faire à leur place !
  • La Supervision Active, c’est bien le dispositif qui vise à responsabiliser tous les niveaux hiérarchiques… Ce n’est donc pas à moi de trop m’investir dans les actions terrain (chantiers ou animation au quotidien) ! Et puis, je n’en ai pas le temps.
  • Jusqu’à maintenant, le management était trop directif… Il ne faut pas qu’on reproduise cela.
  • Ils vont penser que je les surveille…
  • Ou, à l’opposé : Faut-il que je participe aux nouveaux rituels d’animation (Top 5, Top 15) pour ne pas laisser prendre des mauvaises pratiques ? Et pour donner l’exemple.
  • Cela ne va pas être simple… Il va y avoir de la résistance…

De leur côté, les acteurs de terrain continuent de réclamer de l’engagement :

  • On est bien d’accord sur ces besoins d’amélioration, mais le "top management" a-t-il également été formé à ces pratiques ?!
  • Nous, on voit bien les problèmes, mais il faudrait qu’ils soient d’accord pour changer certaines règles de fonctionnement qu’ils ont définis !

Nous voyons bien que le besoin est là, mais que la limite et le bon dosage ne sont pas simples à trouver. D’autant que, participer à des actions ou à l’animation terrain, fait parfois sortir les Directeurs de leur propre zone de confort (Comment est-ce que je m’y prends ? Vais-je être crédible ? Comment répondre lorsque je n’ai pas la réponse ?) Enfin, ce sont des femmes et des hommes, qui, comme le reste de leurs collaborateurs, doivent gérer leur propre dose de résistance au changement, parfois non consciente. La bonne approche variera d’une entreprise à l’autre, en fonction de son contexte, de sa taille et de sa culture. Voici quelques pistes et principes qui vous aideront à vous positionner.

Donnez l’exemple

  • La Supervision Active, dispositif d’animation de la performance au quotidien et de l’amélioration continue, doit être déployée À TOUS LES NIVEAUX. Il faut doter la Direction des mêmes types d’outils de management visuel (tableaux SQDC), de rituels debout (Top 30 à Top 90) et de lieux (salles Obeya) que l’encadrement de 1er niveau. L’ensemble est interdépendant avec un contenu (détail) cohérent et une fréquence adaptée à l’occurrence des écarts. Des allers-retours d’informations clairs pourront alors s’établir entre terrain et Direction, au bénéfice de chacun de ces niveaux (problèmes factuels remontés/réponses apportées), chacun à sa place, à son niveau de responsabilité.
  • Les chantiers d’amélioration par percée Kaizen sont également valables au niveau Direction: un processus support transverse  pourra présenter un potentiel notable pour l’ensemble des activités et donner une bonne visibilité de l’engagement de la Direction.
  • Vous attendez de vos équipes qu’elles évoluent dans leurs pratiques ? Faites de même: soyez sincères et montrez-leur que vous travaillez à la même transformation, qui ne se fait pas sans difficultés, même pour vous !

Le terrain et encore le terrain

  • Au cœur même de la "philosophie Lean" (le Gemba de chez Toyota), c’est là que la Valeur Ajoutée est créée, que les gaspillages irritent les opérationnels, que les questions se posent et… que la plupart des réponses se trouvent. ALLEZ-Y ! Montrez votre intérêt pour les transformations en cours, soyez curieux, exprimez votre satisfaction, cherchez à comprendre les process, répondez aux questions qui se posent… Tout comme l’entraîneur d’une équipe sportive.
  • Le "tour de terrain", autre rituel de la Supervision Active, outil d’anticipation des problèmes et de surveillance des standards, gage de la pérennité de la démarche, doit également être mis en œuvre pour les Directeurs, à une fréquence et avec des points de contrôle adaptés, mais tout autant formalisé et structuré (check-list, prise de notes, créneau et durée calée). Ce tour de terrain peut se faire en binôme avec le responsable du secteur visité. Les lecteurs assidus savent que j’aime les images liées à la navigation : le capitaine ne reste pas que sur la passerelle !

Incarnez les principes du Lean et promouvez le "renversement de la pyramide"

  • Pratiquez vous-même les principes de l’Amélioration Continue :
    • Questionnez plutôt que d’apporter des problèmes
    • Un enjeu (le "pourquoi") clair est énoncé avant tout changement
    • On s’appuie sur des éléments factuels
    • Toute volonté de résoudre une problématique doit commencer par en investiguer les causes possibles
    • Des petites améliorations accessibles plutôt qu’attendre le changement parfait
    • Pas de changement pérenne sans mise sous standard
  • Sans perdre de vue le fameux schéma :

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À terme, l’enjeu de l’intelligence collective est d’amener les opérationnels à faire vivre la boucle de l’amélioration continue : identifier les écarts, proposer les améliorations. Le rôle du management est de permettre la mise en œuvre ces améliorations. Il est le facilitateur, celui qui arbitre, puis met les moyens à disposition (budget, organisation, temps…) et accompagne. Non celui qui dit : « il faut que » ou « vous devez ». Il est support à ses équipes plutôt que la réciproque. Là également, la Direction doit impulser cette logique qui commence à son niveau.

Aidez (coachez)

  • Vous savez où vous voulez allez et quelles pratiques d’animation vous attendez de la part de vos encadrants ? Accompagnez-les, partagez vos bonnes pratiques : tirez-les "vers le haut". Le manager Lean est celui qui coach ses équipes.
  • Participez ponctuellement aux rituels en "auditeur libre" : n’intervenez pas, mais témoignez de votre intérêt et débriefez ensuite avec l’animateur.

Laissez-vous coacher

  • Pour vous également, la transformation peut poser des questions. Le rôle du consultant, voire du coach managérial dans certains cas, est de vous guider, garant de l’état d’esprit de la transformation, et fort d’autres expériences. Partagez vos questions, captez des bonnes pratiques et raccrochez-vous toujours aux fondamentaux des méthodes mises en œuvre.

En synthèse : Oui, la Direction doit S’IMPLIQUER ACTIVEMENT, tant dans les chantiers mis en œuvre que dans les nouvelles pratiques d’animation. ÊTRE UN MODELE pour les équipes et promouvoir les pratiques qui sont au cœur de l’amélioration continue. Surtout ne pas rester dans une "tour d’ivoire", dans un rôle qui se limiterait à prêcher quelle direction prendre. N’ayez pas peur D’ÊTRE SUR LE TERRAIN, sans pour autant vous substituer à vos relais managériaux. Vous en tirerez une LÉGITIMITÉ accrue auprès des équipes, leur donnerez CONFIANCE dans le chemin à parcourir et pourrez LES FAIRE GRANDIR. Alors, vous en tirerez peut-être même de la reconnaissance de leur part…


Ce challenge n’est-il pas une source de motivation à la hauteur de votre fonction ? Vous avez l’expérience de ces situations, des difficultés ou des bonnes pratiques ? N’hésitez pas à partager vos réactions et vos contributions à cet article.

Pour aller plus loin, visionnez cette web-formation « Les outils Lean de pilotage de la performance (AIC/IPP) » , animée par François Quéré, Consultant Black Belt Lean chez XL Groupe.


Patrick Pierron
Consultant Senior, Black Belt Lean Six Sigma

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