Le temps, c'est de l'argent !

Le temps, c'est de l'argent !
Publié le Vendredi 13 novembre 2020

Éric HUGUERRE
Président, Black Belt Lean

« Les coûts n’existent pas pour être calculés, ils existent pour être réduits », cette citation de Taiichi Ohno (père fondateur du Toyota Production System) constitue l’un des fondements du Lean Accounting concernant la remise en cause des modes de calculs et de suivi des coûts traditionnels. Mais elle énonce également et assez brutalement la thématique de réduction des coûts alors que nous, passionnés de l’amélioration continue, sommes convaincus que le Lean n’est définitivement pas un programme de « cost cutting ».

Pour autant, le fait de contenir ses dépenses, notamment dans des périodes de récession ou de turbulences extrêmes telles que nous le vivons aujourd’hui, semble être d’une logique implacable et en cohérence avec une gestion équilibrée de l’entreprise. Nul ne conteste que pour continuer d’exister, une entreprise se doit d’être rentable et profitable et d’assurer de manière pérenne le paiement des salaires, des fournisseurs, des remboursements d’emprunt, des dettes fiscales et sociales, …

Si nous menons des actions d’amélioration afin de réduire drastiquement les consommations de matières premières dans un procédé industriel donné, alors nous aurons un impact direct dans le compte de résultat.

Si nous travaillons avec les équipes de Recherche & Développement afin de réduire les consommations d’énergie sur des procédés énergivores, alors nous aurons un impact direct dans le compte de résultat.

Si nous travaillons avec les collaborateurs sur des actions de formation afin de leur permettre de mieux maîtriser les process, alors nous aurons vraisemblablement moins de défauts et de rebuts.

Si nous travaillons sur les flux, afin de réduire les en-cours et les stocks de produits finis, alors nous pourrons libérer de la capacité de stockage et ainsi réduire les dépenses liées à la location de magasins supplémentaires.

Si nous travaillons sur les postes de travail avec les personnes de terrain, alors nous réduirons significativement les accidents avec arrêts de travail, les TMS (Troubles Musculosquelettiques), le stress au travail et cela aura des conséquences sur les dépenses et sur l’ambiance …

La baisse ou l’augmentation des dépenses constatées est en définitive une conséquence des actions que nous engageons quotidiennement dans nos entreprises que ce soit liés à des chantiers d’amélioration ou à des rituels de pilotage de la performance.

Revenons alors, si vous le voulez bien, sur la citation de Taiichi Ohno. En réalité, il est nécessaire de distinguer le calcul des coûts de revient issu de la comptabilité analytique, des « coûts » issus des activités à non valeurs ajoutées et des gaspillages réels. Dans une approche classique, il n’est pas rare de calculer la marge brute puis de comparer ces marges entre produits afin de sélectionner les produits sur lesquels il est important de continuer d’investir et ceux qui doivent être retirés du portefeuille.

Eliyahu M.Goldratt, dans son livre The Haystack Syndrom paru en 1990, montre comment l’analyse des coûts traditionnels oriente les décisions de choix de gamme de produits qui ne visent malheureusement pas à maximiser le profit pour l’entreprise. Il introduit alors la notion de « Throughput Accounting » visant notamment à maximiser l’écoulement, la réduction des en-cours et la maîtrise des dépenses d’exploitation. Dans cet esprit, citons également la loi de Plossl qui indique que « tous les bénéfices sont directement proportionnels à la vitesse des flux d'information et de matières ».

En réalité, dépenser un temps infini à effectuer des calculs de coûts précisément faux et s’appuyer sur ces mêmes calculs pour prendre des décisions structurantes pour l’entreprise se révèle plutôt être un réel gaspillage !

C’est un challenge car la plupart de nos organisations fonctionnent sur des principes de contrôle de gestion érigés depuis plus de 50 ans.

Le message n’est pas pour autant de considérer que le suivi des dépenses n’est pas important, mais les activités visant à recalculer les coûts dans une logique de coût complet incorporant notamment des frais de structures fondés sur des clés de répartition, ne semble pas apporter une vision claire et réelle de la performance. Par contre, les coûts liés à des dépenses issues de gaspillages doivent être clairement identifiés puis valorisés dans une logique de coût réel et non de coût standard.

Le Lean utilise la résolution de problèmes comme vecteur d’apprentissage permanent pour les collaborateurs, de ce fait il contribue à identifier les causes racines puis éliminer ces causes qui sont le plus souvent génératrices de coûts. La réduction des coûts devient alors une conséquence des actions qui sont menées et pilotées par l’ensemble des collaborateurs et ne doit pas être considérée comme une fin en soi.

Rappelons-nous « tous les bénéfices sont directement proportionnels à la vitesse des flux d'information et de matières ». Dans l’ouvrage « Vaincre le temps » de George Stalk et Thomas Hout paru en 1992, les auteurs indiquent que les entreprises qui s’attaquent à la consommation du temps dans leur système de création de valeur obtiennent de remarquables améliorations de leur performance. Ils citent à cet égard une des 5 règles empiriques de la réactivité, la règle des 1/4-2-20 qui signifie que quand on divise par quatre le temps nécessaire, la productivité du travail ou du capital peut souvent doubler, et ces gains de productivité peuvent se traduire par une réduction des coûts de 20%.

En d’autres termes, tout ce qui peut être mis à profit pour maximiser l’écoulement, notamment par la limitation des en-cours, la mise en adéquation de la charge/capacité et la réduction des activités superflues, doit être priorisé par rapport à une logique de coût.

Enfin, la mise en place d’une approche du compte de résultat et du Besoin en Fond de Roulement par Chaine de Valeur (Value Stream) permet un véritable pilotage de gestion visant à réconcilier les opérationnels et les financiers.

Pour en découvrir davantage, visionnez le replay de la web-conférence sur le thème « Lean et Finance : des synergies nécessaires ».


Éric HUGUERRE
Président, Black Belt Lean

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