L'humain au cœur de la démarche Lean

L'humain au cœur de la démarche Lean
Publié le Mercredi 3 octobre 2018

Johnny Keire
Consultant Senior, Black Belt Lean

Le Lean est présent, au travers de déclinaisons diverses, dans une grande partie du tissu industriel et logistique, mais également dans les activités de service appelée "Lean office".  Le Lean a toutefois souvent été critiqué pour certains aspects négatifs relatif aux conditions de travail.  Il ne s’agit pas d’être, pour ou contre la méthode, mais de participer à l’élaboration de solutions qui prennent en compte le facteur humain, dans une logique d’optimisation des conditions de travail.

Si l'on reste sur les fondamentaux du Lean, nos fameux piliers, le Lean visent donc à minimiser la variabilité des processus, travailler en juste à temps et réduire les gaspillages tout ceci dans une démarche d'amélioration continue.

Toutes ces actions visent un seul but, accroître la valeur client. Mais il de bon ton de se demander : Où est l'humain dans tout cela ?

Dans l'ensemble de la démarche Lean, on se concentre sur plusieurs facteurs en même temps, sous l'acronyme SQCDS, reprenant les thèmes de la Sécurité, la Qualité, les Coûts, le Délai et la Sérénité.

  • Sécurité : aucune action n'est envisageable dans le travail, si la sécurité n'est pas, au mieux, assurée ; au pire, les risques sont-ils connus et limités par des moyens techniques ou organisationnels. Dans ce terme, nous incluons la notion d'ergonomie avec tout le spectre de la complexité de ce métier. Pour rappel, l’ergonomie consiste à adapter le travail, les outils et l’environnement à l’Humain (et non l’inverse). On y retrouve, par exemple : l'ergonomie posturale, l'ergonomie des postes de travail, des outils physiques ou informatiques et de l'ensemble de l’environnement agissant autour du travail.
  • Qualité : reflet de la demande de satisfaction du client, ne pas prendre en compte ce facteur viendrait à l'encontre de la démarche elle-même. En effet, la démarche Lean entraîne des schémas d'innovation qui, au-delà de résoudre des problèmes opérationnels, permettent de développer de nouvelles opportunités client.
  • Coût : le facteur de coût, sous-entendu de "gain productif " n'est en aucun cas un objectif de la démarche, mais bien une conséquence. À part faire des hypothèses souvent très mal taillées, on a peu de chance de savoir, dans la majorité des cas, les réels gains de la démarche ; et ceci, d’autant plus que, bien souvent, nos prédictions sont bien en deçà de la réalité et que de bonnes surprises sont à l'arrivée.

L’appât du gain et la difficulté d'une situation amènent souvent à vouloir débuter une démarche Lean, mais les gains réels de la démarche sont sur le long terme. Et pour le court terme, au-delà du gain productif, il y a la réduction des coûts de production, liés à la réduction de matières, de stock, de non-qualité, l'amélioration des rendements machines, ... En clair la démarche est multi factorielle et donc les estimations souvent hasardeuses.

  • Délai : travailler en “juste à temps” découle du postulat que l’on est en mesure de réaliser les produits, les services dans les délais vendus aux clients. La démarche Lean part donc de la demande des clients et de la capacité de l'entreprise à fournir dans les temps et dans la qualité attendue. Ce postulat fait, la démarche Lean va permettre de garantir ce résultat dans la durée et de rendre l'entreprise performante ; en d'autres termes : d'être en capacité de répondre à ces besoins clients de manière pérenne et de façon efficiente.
  • Sérénité : en pleine poussée des maladies professionnelles tels que les burn, bore, brown-out dans tous les types d'activités, les outils de management collaboratif du Lean donnent ici tout leur sens. Et c'est bien du Sens dont on parle, du sens au travail, le pourquoi, le pour, le qui et le comment. Le Lean va apporter des outils tels que l'A.I.C (Animation a Intervalle Court), permettant à chacun de connaître d'où l'on vient, où l’on va, de manière claire et régulière. Le Lean va également mettre en place des standards visuels et de nouveaux moyens de communications opérationnels, simples et clairs pour permettre à chacun de se situer, de contribuer à la résolution de problèmes et à l'apport de solutions opérationnelles.

Le Lean est souvent résumé à quelques outils, appris sur les bancs de l'école et souvent mal ou que partiellement appliqués, alors que le Lean est avant tout une culture ; un parallèle pourrait être fait avec les démarches de la Qualité au sens ISO ou de la prévention des risques sécurité du travail.

On oppose, parfois, la manière brusque du chantier Kaizen (transformation sur quelques jours) au temps long que requiert un changement de culture ou d'organisation sur le terrain. Mais c'est que l'outil à lui seul, n'est rien s'il n'est pas intégré dans une démarche complète.

Le "chantier kaizen" ou "kaizen blitz" permet de mettre en action rapidement des changements et ceux-ci ne peuvent avoir lieu que si une démarche d'amélioration continue au long cours est déjà présente. Le chantier en lui-même est déjà en rupture avec le fonctionnement dit "normal" car on s'autorise le test, l'erreur et même l'échec ; mais il restera voué à l'échec s’il est fait isolément. La communication lors de ces kaizens, sont d'un enjeu primordial afin que tout ne reste pas sur le papier et puisse se transformer en succès opérationnel.

Associant démarche participative à amélioration continue, le Lean fait de l'ergonomie un allié naturel. Le Lean est critique par rapport au Taylorisme sur de nombreux points. La rigidité des taches, par exemple ; le Lean préfère l'adaptation, la polyvalence, la formation réciproque et se concentre plutôt sur la standardisation de la tâche et du poste. Le Lean prône l'unité autonome de production permettant la flexibilité des équipements et de flux, plutôt que la rigidité de ligne de production mono-produit. A l'inverse d'un flux poussé, le Lean préfère le flux tiré par la demande, limitant ainsi le stock et autres gaspillages de ressources énergétiques et de matières, lié à ces organisations. Le Lean prend aussi en défaut le management sur sa faiblesse d’écoute et de prise en compte des problèmes opérationnels en inscrivant tout cela dans une culture d'amélioration continue, plutôt qu'en restant dans de vieux schémas de management de "sachants", non propice à l'émancipation.

En plus des conditions de travail, la démarche Lean est souvent une alliée cachée des ressources humaines.  Le Lean, par la simplification, le management visuel et la standardisation contribue au bien-être au travail, ou, du moins aux bonnes conditions de réalisation de son travail. L'intégration de nouveaux collaborateurs en est simplifiée, plus rapide et bien moins vouées à l'échec. Il permet également un rééquilibrage entre régions : alors que certaines connaissent un chômage fort, d'autres ont de réelles difficultés à recruter et à stabiliser leurs effectifs dans des bassins d'emplois tendus.

En prenant le temps et le parti de communiquer, en simplifiant le travail, en passant du temps, également, sur la résolution des problèmes opérationnels, la démarche Lean permet de redonner du sens, le sens du travail et du service rendu au client. Le Lean permet aux collaborateurs de reprendre en main leur activité tout en contribuant à la réussite collective de l'entreprise.

En conclusion, bien que le Lean ne fasse pas toujours apparaître clairement dans ses nombreuses tentatives de définitions, par ailleurs souvent toutes fausses, le facteur humain, c'est pourtant bien l'Humain qui est au cœur de cette démarche pour permettre d’accroître la valeur ajoutée de l'entreprise pour le client.

Si vous souhaitez approfondir ce sujet, visionnez le replay de à la web conférence « Lean & Amélioration des conditions de travail » animée par Cyril Bourgeon, Consultant Senior chez XL Groupe.


Johnny Keire
Consultant Senior, Black Belt Lean

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