Le Lean s’applique-t-il sur la gestion des projets ?

Le Lean s’applique-t-il sur la gestion des projets ?
Publié le Mercredi 6 septembre 2023

Jean-Christophe Broët
Directeur Associé, Master Black Belt

Article rédigé par Jean-Christophe BROËT (XL Groupe) et Yann LISSARDY (Orano Projets).

Le Lean se démultiplie dans tous les secteurs d’activité et les types d’entreprise… Depuis le développement au sein de Toyota dans les années 60 (mais en fait bien avant !) avec le TPS, en passant par sa vulgarisation par 3 ingénieurs du MIT dans les années 80’ (“The machine that changed de world”, James P. Womack, Daniel T. Jones, and Daniel Roos) jusqu’à sa sectorisation et son adaptation aux particularités (Lean IT, Lean Construction, Lean Engineering, Lean Start Up, Lean Office, …).

Ce qui fait sa réussite ? Ce ne sont pas ses outils ! Essayez d’ailleurs de vous focaliser uniquement sur les outils et la technique, vous verrez les résultats ! C’est avant tout un savant mélange entre état d’esprit, culture, bon sens, rigueur, valeurs humaines et performances. Faire du Lean demande de l’humilité et de l’écoute, du partage et du pragmatisme, du respect et de la remise en question : allons voir sur le terrain et ensuite nous aviserons ! Car le Lean place le Client au centre et les équipes au cœur.

Nous allons voir ce que cela donne en l’appliquant sur la gestion des projets …Et s’il est bien un sujet commun à toutes nos entreprises, c’est leur capacité à générer des projets ! Pour certaines, générer et piloter des projets est même leur cœur de métier !

Un projet est selon la norme ISO 10006, un « processus unique qui consiste en un ensemble d'activités coordonnées et maîtrisées comportant des dates de début et de fin, entrepris dans le but d'atteindre un objectif conforme à des exigences spécifiques telles que des contraintes de délais, de coûts et de ressources ». Voilà pour la définition !

On pourrait penser que puisqu’il s’agit d’un processus unique, on ne peut l’améliorer… Mais nous ne faisons pas qu’un seul projet dans nos entreprises … Il existe en général un “flux” de projets, un portefeuille de projets, et puisqu’il s’agit d’un flux, on va pouvoir travailler sur l’amélioration de ses performances SQCD (Sécurité, Sérénité, Qualité, Coût, Délai) !

Regardons comment faire en nous basant sur nos expériences et sur les principales dérives constatées ! 6 lignes directrices se dégagent :

1. Bien connaitre ses clients (internes ou externes) pour développer juste et pas juste développer

Combien de projets ont connu des errances par manque de cadrage initial et notamment de compréhension de ce qui est attendu et de ce qui est réalisable ? Il s’agit de capter en amont la voix du(des) client(s), qu’ils soient internes ou externes, et de préciser le plus clairement possible les attendus, exigences, spécifications … L’implication du client dans les phases clés du projet permettra également de s’assurer du respect des exigences et de la prise en compte des évolutions éventuelles, sans attendre la fin du projet ! Sous peine de retour à la case départ, sur qualité, travail inutile… Le Lean favorisant la création de valeur ajoutée, il est donc fondamental de savoir quelle valeur ajoutée le client attend vraiment, mais également de la partager aux équipes et de s’assurer de leur prise en compte tout au long du déroulement du projet !

2. Planifier en flux tiré et lissé

Réussir un projet, c’est optimiser ses phases, ses activités, ses interfaces, les coordonner et réduire l‘impact financier des problèmes.

« Tirer » le planning, cela commence par établir un retroplanning en partant du délai et des livrables finaux, puis en déroulant les principales phases vers la date de démarrage, les délais de chacune, en regardant si cela « passe », en positionnant correctement les marges nécessaires ! L’optimisation du contenu de chaque phase en parallélisant certaines taches est souvent nécessaire ! Ce travail ne peut s’effectuer de façon efficace qu’avec les contributeurs, qui vont planifier et déterminer eux-mêmes les délais intermédiaires, préciser les contraintes et les liens de dépendance entre les phases et les tâches… Une analyse des risques est très utile sur cette phase amont de co-construction !

On pilote ensuite collectivement l’avancement avec un tableau type « Kanban » (et oui, c’est du flux tiré !) pour répartir de façon équilibrée les taches sur les acteurs du projet (charge / capacité) et lisser leur répartition en évitant les goulots (A planifier / En cours / Fait). Cela favorise le collectif, les échanges, l’alignement, autour de visuels clairs et partagés, et facilité ensuite le travail d’animation et de suivi.

3. Mobiliser ses équipes, piloter et améliorer

Il faut donc donner envie de travailler ensemble en créant des rituels d’animation autour d’une Obeya room (physique ou digitale) pour avoir une vision partagée des contraintes et interactions de toute l’équipe projet et de l’avancement au vu des performances SQCD attendues !

Améliorer l’engagement des équipes transverses au sein des projets en structurant des rituels de pilotage visuels et collaboratifs, c’est l’opportunité de gagner en agilité et de dynamiser l’Amélioration Continue en interne à l’échelle d’un projet ou d’un portefeuille de projets.

Cela permet également d’anticiper afin de créer l’agilité nécessaire pour permettre l’adaptabilité dans l’exécution du projet et la gestion des aléas. Ainsi, la résolution des problèmes en équipes a toute sa place dans les pratiques de pilotage participatif et visuel des projets. Nous mettrons en évidence les informations suivantes sur un support physique ou digital selon les environnements de chaque projet : Macro-planning avec jalons, attentes client, plan d’action / Mise en place de l’équipe (définition, rôles et responsabilités, sponsoring projet) / Définition des indicateurs clés / Elaboration des modalités de pilotage (fréquence, durée, participants) ...

4. Rendre la gestion de projets efficiente par la chasse aux gaspillages

Encore plus que dans les flux de production, un projet peut subir des aléas, certains non maitrisables car externes, d’autres générés par les gaspillages produits en interne : attentes de validation, de documentation, retravail, surproduction d’information, développements non demandés, stocks de mails ou de taches en attente, pertes d’information, mauvais emploi des ressources humaines, réunions inutiles, excès de reporting...

Les équipes subissent, des tensions peuvent se créer et les performances du projet en pâtissent … Mais il n’y a aucune fatalité et organiser une “chasse aux gaspillages” avec les équipes afin de les réduire permet de gagner en agilité et en efficience en réduisant l’inutile et en se concentrant sur le “juste nécessaire” pour le client et la maîtrise des couts en interne. Cela peut même aboutir à la mise en place d’un standard !

5. S’aligner sur des standards

Le manque de référentiel et d’alignement sur les bonnes pratiques de gestion et de réalisation d’un projet peut également pénaliser le bon déroulement... Il s’agit alors de formaliser les bonnes pratiques, partagées avec les équipes, sous la forme de standards visuels, afin que chacun puisse s’approprier et partager les règles simples de fonctionnement ! Il ne s’agit pas d’alourdir mais au contraire d’éviter les “gaspillages” par des pratiques communes basées sur l’agilité, l’efficience et la collaboration utile. L’intégration de nouvelles personnes au sein du projet et la formation sera grandement facilité.

6. Faire un retour d’expérience, capitaliser et alimenter une base de connaissance

Qu’avons-nous réussi ? Quel problème avons-nous rencontré et comment les avons-nous réglés ? Que pouvons-nous améliorer ? Que pouvons-nous faire différemment et pourquoi ? Quelles leçons avons-nous apprises ? Voilà quelques questions utiles à se poser !

Il s’agit de recueillir l'expérience projet, tout au long de celui-ci, afin d'en faire bénéficier d'une part au projet en cours, et d'autre part aux projets futurs à travers une base de connaissance partagée. Les standards de méthodologie l’ont d’ailleurs intégré dans leur référentiel, que ce soit pour le PMI® dans le "Guide du PMBOK®" ou PRINCE2® dans le manuel "Réussir le management de projet avec Prince2®" ...

Ainsi, vous l’aurez compris, le Lean est parfaitement adapté pour rendre vos organisations agiles, piloter les activités de développement et gérer les risques, bref : aider au pilotage des projets en se focalisant sur le besoin client et l’implication des équipes !

Pour approfondir le sujet, nous vous invitons à visionner le replay de notre web-conférence « Améliorer les performances des projets avec le Lean Engineering » co-animée par Jean-Christophe BROËT (XL Groupe) et Yann LISSARDY (Orano Projets).


Jean-Christophe Broët
Directeur Associé, Master Black Belt

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